Quels sont les effets des écrans sur le développement des enfants et des adolescents?

La question des effets directs ou indirects des écrans et de leurs (non-) usages sur le développement des enfants et des adolescents est au coeur des préoccupations des parents et des professionnels de l’éducation et de la santé. Le but du séminaire du Centre Jean Piaget sera donc d’apporter un éclairage interdisciplinaire à partir des recherches actuelles sur ce thème. Nous avons décidé de donner la parole à cette occasion à des psychologues, neuroscientifiques, sociologues médecins et pédagogues de différents pays.

Le séminaire se tient en salle 1170 à Uni Mail.

Toutes les conférences sont enregistrées et seront disponibles sur notre chaîne YouTube à postériori.

Entrée libre et publique.

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par Edouard Gentaz, Professeur, Université de Genève

L’objectif de ce premier séminaire est de tenter de répondre à plusieurs questions à partir des données de la recherche : 1) Quelles sont les raisons qui expliquent le désarroi des parents et des professionnels face aux effets écrans ? 2) Quel est le temps d’écran quotidien des enfants en 2023 ? 3) Quelles sont les sources de connaissances disponibles sur les effets des écrans ? 4) Comment les chercheurs conduisent une étude scientifique sur les effets des écrans ? 5) Quels sont les principaux résultats des recherches récentes ? 6) Quelles sont les recommandations et les conseils à donner aux parents et aux enfants ? 7) Quelles sont les perspectives de recherches ? 

 

Références : 

Lejeune, F. & Gentaz, E.  (Eds) (2022). Effets des « écrans » sur le développement des enfants. ANAE N°178, 85 pages.

Gillioz, E, Lejeune, F. &, Gentaz, É. (2022). Les effets des écrans sur le développement psychologique des très jeunes enfants : une revue critique des recherches récentes. A.N.A.E., 178, 309-320.

Gillioz, E., Bellucci, T., Borghini, A., Gentaz, É., & Lejeune, F. (2022). Les écrans et les jeunes enfants (0-3 ans) dans un contexte de pandémie de COVID-19 : une enquête en ligne conduite auprès de 486 parents. A.N.A.E., 178, 321-331.

Gillioz, E., & Lejeune. F., Bellucci, T. Gentaz, E. (2023). Coupures interactionnelles et technoférence parentale : les effets des nouvelles technologies sur le développement socio-émotionnel du jeune enfant. Pearson, Newsletter « Traits d’Union », DCL1-06/2023

Gillioz, E. , Gentaz, E. & Lejeune. F. (2022). Les effets des écrans sur le développement langagier du jeune enfant : quels sont les apports des recherches récentes ? UPLF-lNFO. XL (40" édition), 22-26

 

MOOC : Cours de l’Université de Genève gratuit et libre d’accès (MOOC) sur « Le développement psychologique de l’enfant » : https://www.coursera.org/learn/enfant-developpement/

par Carole Barraud Vial, Responsable du pôle Prévention d’Action Innocence, Genève

Le nez plongé devant leur tablette, la tête baissée sur leur smartphone, c’est l’image que beaucoup d’entre nous avons des enfants et des adolescent∙e∙s d’aujourd’hui. Avec le temps, l’offre numérique s’est considérablement élargie : elle ne se limite plus à la télévision dans le salon ou à l’ordinateur familial, mais se décline désormais en de multiples outils et plateformes, donnant ainsi accès à toutes sortes de services, d’activités et de contenus. Face à ce constat, peut-on encore diaboliser les écrans et les accuser de tous les maux ? Afin de mieux appréhender cette nouvelle réalité, il est désormais nécessaire de comprendre les pratiques numériques des enfants et des adolescent∙e∙s, puis d’apprendre à faire avec plutôt que lutter contre. Mais que faire avec signifie-t-il réellement ? Comment intégrer la question du numérique dans l’accompagnement des jeunes ? Et comment les sensibiliser aux risques auxquels ils et elles peuvent s’exposer ? Au cours de cette conférence, la Fondation Action Innocence vous présentera son concept préventif, mettant en avant l’importance d'un accompagnement adapté à la réalité des jeunes, à leurs pratiques numériques, ainsi qu’à leurs réels besoins et attentes.

par Benoit Bediou, Chercheur en neurosciences cognitives, Université de Genève

Des déclarations contradictoires sont souvent entendues sur les effets de l’utilisation des technologies numériques sur le bien-être, la santé, la cognitionou encore les performances scolaires, posant des dilemmes pratiques aux parents, aux éducateurs, aux professionnels de la santé et aux décideurs politiques. Une source d'incohérence réside dans un concept trop simpliste de « temps d'écran », qui ne parvient pas à saisir la complexité des pratiques médiatiques numériques. Par exemple, des recherches montrent que les jeux vidéo d’action et le « média multitasking », deux activités qui comptent comme temps d’écran, ont des effets opposés sur l’attention chez l’adulte. Les travaux chez l’enfant et l’adolescent indiquent également des effets complexes, non linéaires, et dépendants du contenu ou du contexte. Sortir du débat stérile « les écrans sont-ils bons ou mauvais », nécessite une perspective développementale. Les enfants se développent dans un écosystème numérique de plus en plus complexe, et aussi bien l’utilisation des écrans que leurs effets changent avec l’âge. 

Références 

Bediou, B., Rich, M., & Bavelier, D. (2020). Education in the Digital Age: Digital media and cognitive development.

Bediou, B. Cekic, S., & Bavelier, D. (2023). Not screens but their context of use impact cognitive development - A commentary on Yang et al. (2023, in press).

par Éric Sanchez, Professeur en technologies éducatives, Université de Genève

L’idée d’utiliser le jeu en contexte d’éducation et de formation n’est pas nouvelle, mais plutôt renouvelée par l'essor du numérique. En effet, il est désormais possible de concevoir des jeux numériques pour contextualiser des savoirs de différentes natures et mettre en place des situations d’apprentissage destinées au développement de connaissances ou de compétences. Il s’agit alors de promouvoir un apprentissage de type expérientiel qui permet à l’apprenant de s’engager cognitivement, socialement et émotionnellement dans la résolution de problèmes parfois complexes. 

Depuis plus de quarante ans, ces jeux suscitent un intérêt croissant auprès des éducateurs et des formateurs, mais ils posent un certain nombre de questions dont la recherche s’est saisie. Ces questions concernent le processus de leur conception et en particulier l’articulation des objectifs pédagogiques et des mécaniques de jeu. Elles portent également sur les modalités d’apprentissage et les effets escomptés. Enfin, des travaux se développent sur la place de l’enseignant ou du formateur pour la mise en œuvre de ce type de pédagogie.

Au cours de ma présentation, j’aborderai ces questions en m’appuyant sur les résultats de la recherche et des projets menés au sein du Laboratoire d’innovation pédagogique à l’Université de Genève. Je le ferai en essayant de déconstruire un certain nombre de mythes autour de l’usage de jeux numériques en contexte d’éducation et de formation. 

Référence

Sanchez, E., & Romero, M. (2020). Apprendre en jouant. Retz. 

par Elena Pasquinelli, Philosophe des sciences cognitives, Institut Jean Nicod, Paris

Etablir les effets des écrans et de leur utilisation sur les capacités cognitives, sur leur développement et déploiement n’est pas une mince affaire. Cependant, les règles pour la bonne utilisation des écrans abondent. Nous explorerons le rôle possible de l’éducation aux écrans pour favoriser l’auto-régulation et la meilleure compréhension de soi en tant qu’agent cognitif. Je présenterai dans ce cadre un effort éducatif mené en France par la Fondation La main à la pâte. Nous explorerons ensuite le débat, lui aussi fortement d’actualité, autour de l’impact d’un usage spécifique des écrans sur nos notre capacité à se former des opinions, ou à prendre des décisions “justes”. Ceci nous conduira à parler d’esprit critique, encore une fois dans une dimension à la fois cognitive et éducative: peut-on, doit-on éduquer à l’esprit critique? Et en quoi cette éducation consiste-t-elle? Quels objectifs peut-elle réalistiquement se donner?

par Youssef Tazouti, Professeur en psychologie de l’éducation, Université de Lorraine

Plusieurs méta-analyses récentes ont montré que des interventions basées sur des applications éducatives peuvent améliorer les apprentissages des élèves notamment en littératie émergente et en numératie émergente (par ex. Kim et al., 2021 ; Verhoeven et al., 2020). Toutefois, pour que les applications éducatives contribuent efficacement aux apprentissages des élèves, elles doivent : 1° résulter d’une démarche de co-conception ; 2° posséder des qualités pédagogiques favorisant l’apprentissage et 3° faire l’objet d’une expérimentation (Tazouti et al., 2022). Cette conférence se propose, dans un premier temps, de présenter les résultats des méta-analyses et des revues systématiques concernant les apports des applications éducatives aux apprentissages et au développement des enfants d’âge préscolaire. Dans un second temps, l’application AppLINOU (Apprendre avec Linou en maternelle) sera présentée. Celle-ci a été co-conçue par une équipe pluricatégorielle (chercheurs et acteurs éducatifs). Un focus sera fait sur les qualités requises (tels que le feedback, l’étayage, etc.) pour qu’une application soit adaptée au contexte de la classe. De même, les résultats d’une étude expérimentale et longitudinale portant sur 750 élèves scolarisés dans 32 écoles et suivis du début de la moyenne section (maternelle 4 ans) jusqu’au début du cours préparatoire (première année de l’enseignement élémentaire) seront présentés. Enfin, la discussion portera sur l’évolution d’AppLINOU avec l’émergence de nouvelles fonctionnalités (e.g. apprentissage adaptatif et tableau de bord enseignant) ainsi que sur les expérimentations en cours. 

Références

Tazouti, Y., Thomas, A., Hoareau, L., Luxembourger, Ch., & Jarlégan, A. (2022). Contribution des applications éducatives sur tablette tactile aux apprentissages de littératie et numératie émergentes. A.N.A.E., 178, 354-363.

Tazouti, Y., Thomas, A., Hoareau, L., Jarlégan, A., Hubert, B., & Luxembourger, C. (2023). Assessment of an Educational Classroom App’s Impact on Preschoolers’ Early Numeracy Skills. European Journal of Psychology of Educationhttps://doi.org/10.1007/s10212-023-00698-1

par Estelle Gillioz, Psychologue et doctorante en psychologie et Fleur Lejeune, Chargée de cours, Université de Genève

Les écrans et les nouvelles technologies sont utilisés de plus en plus précocement par les jeunes enfants. En moyenne, à moins de trois ans déjà, les enfants y sont exposés entre trente minutes et trois heures par jour (Gillioz et al., 2022). Le temps passé devant ces écrans est considéré comme du temps volé aux différents processus d’apprentissage et entraverait par conséquent le développement cognitif, social et émotionnel de l’enfant, qui a besoin d’appréhender le monde qui l’entoure par le toucher et à travers l’interaction avec son environnement social (Gillioz, Lejeune & Gentaz, 2022).

Les recherches sur cette problématique sont cependant encore limitées, notamment en raison des difficultés méthodologiques qui leur sont liées, et les recommandations d’usage se fondent donc sur un principe de précaution. Mais alors, qu’en est-il réellement de l’usage des écrans et des pratiques numériques du tout-petit ? Ont-ils des effets sur son développement ?

Lors de cette conférence, les tout premiers résultats d’une étude menée à l’Université de Genève sur les effets de l’exposition aux écrans sur le développement des compétences tactiles, attentionnelles, interactionnelles et socio-émotionnelles des enfants de moins de trois ans vous seront présentés, puis discutés à la lumière de la réalité numérique du XXIème siècle.

par Séverine Erhel , Maîtresse de conférence, Université de Rennes 2

Cette présentation traitera de l’usage problématique d’Internet (UPI) que l’on appelle communément l’addiction à internet. Après une critique du concept d’addiction à Internet, nous discuterons de la qualité du construit d'UPI nous poussant à nous intéresser davantage aux usages problématiques médiatisés par certaines activités. Nous fournirons quelques explications sur les mécanismes à la base de ce trouble comportemental. Nous ferons aussi état des différentes variables socio-économiques et psychologiques permettant de prédire les usages problématiques d’Internet en s’inscrivant dans une perspective facteurs de risque. Nos dernières études sur les UPI seront aussi proposées en vue de comprendre si certains déterminants ont des poids plus importants dans la prédiction de l’UPI et si celui-ci varie en fonction des différentes activités. A la suite de cette présentation, nous proposerons de remettre en perspectives les usages problématiques d’Internet et nous réfléchirons aux impacts du design dans la prédiction de l’UPI. 

par Marie Danet, Maîtresse de conférence, Université de Lille

Les outils numériques constituent un nouveau contexte de développement des enfants, tant d’un point de vue cognitif que socio-émotionnel. Ce nouveau contexte de développement amène également un nouvel aspect de la parentalité : la parentalité digitale, où les parents doivent accompagner leurs enfants dans les usages de ces outils mais avoir aussi une réflexion sur la façon dont eux, en tant que parents, ont recours aux outils numériques dans leur quotidien familial et dans l’éducation de leur enfant. Il sera question ici d’aborder différents aspects de ce contexte de développement, en particulier les questions de technoférence, du recours aux outils numériques dans la gestion des émotions, des parents comme des enfants, et de la place des usages numériques dans les relations d’attachement parent-enfant.

par Nevena Dimitrova, Professeure, Haute École de Travail Social et de la Santé, Lausanne

La technoférence, c'est-à-dire l'utilisation d'un écran par un parent en présence d'un enfant, est un phénomène très répandu qui a des effets négatifs sur l'interaction et la communication parents-enfants. Lorsque les parents utilisent des écrans en présence de leurs enfants, les interactions sont moins nombreuses et les parents sont moins attentifs et réceptifs à l'enfant. En outre, les enfants manifestent davantage de comportements négatifs, tels que les pleurnicheries, la frustration et les accès de colère. La communication est également affectée : les parents parlent et font moins de gestes à l'égard de leurs enfants et, par conséquent, ces derniers ont moins de chances de développer leurs capacités langagières. Cependant, on ne sait pas encore si la technoférence affecte les capacités d'interaction et de communication des parents et des jeunes enfants au-delà d'une distraction non-numérique. Cinquante-deux dyades parent-enfant (âge de l'enfant = 22 mois) ont d'abord joué pendant 5 minutes (T1); ensuite, le parent a été invité à remplir un questionnaire sur une tablette (condition tablette), sur un formulaire imprimé (condition papier-stylo) ou n'a pas été interrompu (condition contrôle ; T2). La communication a été évaluée en codant le nombre et le type de mots pendant T1 et T2 ; les gestes de l'enfant ont également été codés. La qualité de l'interaction a été évaluée à l'aide de l'échelle Coding Interactive Behavior. Les résultats ont révélé que lorsque les parents étaient distraits (conditions écran et papier-crayon), les enfants montraient une implication sociale plus faible (p=.028), les parents étaient moins sensibles aux signaux de communication des enfants (ps < .001) et les dyades montraient moins de réciprocité dans leurs échanges (ps < .001), par rapport à la condition de contrôle. La distraction parentale n'a cependant pas eu d'effet sur la communication des enfants et des parents. Les résultats suggèrent que la distraction parentale a une incidence sur la qualité de l'interaction, indépendamment du fait que les parents aient été distraits par un questionnaire papier-crayon ou par un questionnaire sur écran. Ces résultats sont probablement liés à des facteurs complexes concernant les expériences et les habitudes des jeunes enfants par rapport à l'utilisation de l'écran par les parents.

par Michel Le Van Quyen, Chercheur en Neurosciences, Sorbonne Université, Paris

Septembre 2017 : Je me suis réveillé frappé de paralysie. Surmenage, me diagnostique-t-on, avant de me prescrire un repos absolu. Au début, cette inaction me pèse, puis la surprise se produit : le silence dans lequel je m’étais plongé me fait du bien et l’aide à surmonter la maladie. Je décide alors de mener l’enquête. Nous en avions l’intuition, les neurosciences l’expliquent désormais : lorsque nous favorisons le silence acoustique, mais aussi attentionnel, visuel ou méditatif, notre cerveau bascule dans un état très particulier. C’est cette déconnexion qui l’aide à se régénérer, à évacuer les toxines conduisant aux maladies neurodégénératives. Mieux : le silence sous toutes ses formes est bénéfique pour l’attention, la mémorisation, voire la créativité. Si les grandes sagesses d’Orient et d’Occident l’ont déjà compris, aujourd’hui la science atteste des stupéfiants pouvoirs du silence : à nous de nous en emparer.  

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