Journal n°152

Le «laser-taupe» qui creuse des tunnels dans les nuages

image-4.jpgPer tenebras, lux! A travers les ténèbres, la lumière! Une équipe de physiciens genevois, dirigée par Jean-Pierre Wolf, professeur à la Section de physique (Faculté des sciences) a mis au point un laser ultrachaud capable de créer un trou temporaire dans les nuages permettant le passage d’un autre rayon laser contenant, par exemple, des informations. Cette avancée technologique, décrite dans un article paru dans la revue Optica du 20 octobre, pourrait contribuer au développement d’un nouveau système de communication optique traversant librement l’atmosphère et capable d’établir des connexions entre des stations terrestres, des satellites et des drones.  

Bien que performant, le système de communication actuel basé sur les radiofréquences ne parvient plus à suivre la demande d’informations qui circulent chaque jour. Ses longueurs d’onde, longues, limitent en effet la quantité de données transmises et les bandes de fréquences disponibles se font rares et coûtent de plus en plus cher. De plus, la facilité avec laquelle on peut intercepter les radiofréquences pose des problèmes toujours plus aigus de sécurité.

Le laser, quant à lui, permet de transporter 10 000 fois plus d’informations que la radiofréquence, n’a pas de limites de canaux et n’est capable de ne cibler qu’une personne à la fois, limitant considérablement les soucis de confidentialité.

Le problème, évidemment, ce sont les nuages et le brouillard qui stoppent les rayons laser et brouillent les messages.

Pour contrer cette difficulté, la recherche actuelle multiplie la construction de stations au sol. L’idée est de choisir le récepteur visé par le satellite en fonction de la météorologie. Il s’agit d’une solution qui fonctionne mais qui ne parvient pas à s’affranchir totalement des conditions météorologiques. Elle pose également certains problèmes de réglage du satellite qui doivent être traités en amont de la communication, sans être certain qu’il n’y aura aucun nuage au moment choisi.

C’est dans ce contexte qu’est née l’idée de percer directement les nuages. L’équipe de Jean-Pierre Wolf a une certaine expertise en la matière puisque ses travaux antérieurs l’ont menée à déclencher la foudre et provoquer la pluie en tirant sur des nuages avec des lasers.

Dans le cas présent, les physiciens ont mis au point un laser chauffant l’air localement à plus de 1500 degrés Celsius et qui, en passant dans le nuage, provoque une onde de choc expulsant latéralement les gouttelettes d’eau en suspension et créant un trou de quelques centimètres de diamètre à travers toute son épaisseur.

Le tunnel ainsi obtenu peut être maintenu le temps d’envoyer un autre rayon laser plus conventionnel et véhiculant les précieuses informations.
La technique a pour l’heure été testée sur des nuages artificiels de 50 cm d’épaisseur mais contenant 10 000 fois plus d’eau par cm3 qu’un nuage naturel. Le «laser-taupe» fonctionne même si le nuage est en mouvement. L’étape suivante consiste à tenter de trouer des nuages naturels de toute forme et évoluant à toute altitude et dont certains peuvent atteindre un kilomètre d’épaisseur. —