27 mai 2021 - Alexandra Charvet

 

Vie de l'UNIGE

Vers un multilatéralisme 2.0

L’UNIGE lance un centre interdisciplinaire dédié à la diplomatie computationnelle. Une structure qui vise à améliorer la compréhension des enjeux globaux tout en redéfinissant le cadre théorique des relations internationales grâce au potentiel de l’ère numérique.

 

453585304_highres_J.jpg

Le secrétaire d'État aux affaires étrangères du Royaume-Uni, Dominic Raab, accueille les dirigeants étrangers du G7, Chung Eui-yong (ministre des affaires étrangères de la Corée du Sud), Antony Blinken (secrétaire d'État des États-Unis), et Marc Garneau (ministre des affaires étrangères du Canada). Londres, le 5 mai 2021. Photo: Keystone/Photoshot/S. Dawson/Avalon

 

 

COP26, taxation des multinationales, brevets sur les vaccins anti-covid: les rendez-vous ne manquent pas ces prochains mois sur l’agenda des grandes négociations internationales. Pourtant, les modèles traditionnels sur lesquels s’appuient les analyses et les stratégies de négociation peinent aujourd’hui à rendre compte de la réalité complexe des enjeux traités. Afin d’améliorer les processus de négociation et les solutions collaboratives qui en découlent, le Global Studies Institute (GSI) et la Faculté des sciences lancent le Center for Science in Diplomacy, en collaboration avec l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Ambition affichée: contribuer à l’émergence d’un multilatéralisme 2.0.

 

«Ce nouveau centre va se focaliser sur les capacités offertes par les progrès technologiques en matière informatique pour essayer de capter les relations internationales dans toute leur complexité, précise Nicolas Levrat, directeur du Global Studies Institute. Cette diplomatie computationnelle devrait faire émerger de nouvelles modalités d’appréhension des relations internationales.» Centrées sur les États et la représentation de leurs intérêts, ces dernières ne permettent en effet plus de comprendre ni de proposer des solutions effectives aux défis globaux de nos sociétés qui se doivent d’être traités en tenant compte de l’interdépendance croissante entre les plans politique, économique, géographique et sectoriel. Cette compréhension de la gouvernance globale peut toutefois être améliorée grâce à l’essor des technologies de l’information et de la communication, à la capacité de calcul et de traitement automatisé de données (big data), aux capacités d’apprentissage informatique (machine learning) et à l’émergence de l’intelligence artificielle. «Les sciences computationnelles permettent non seulement d'aborder des défis de plus en plus ambitieux, elles ouvrent aussi la porte à une nouvelle façon de penser et de formaliser les questions qui se posent, y compris dans la diplomatie moderne, précise Jérôme Lacour, doyen de la Faculté des sciences. Cette "pensée computationnelle" devient alors un outil formidable de résolution de problèmes.»

 

Nouveaux outils pour les négociations

L’étude des réseaux et des interactions entre acteurs/trices devrait notamment permettre de mieux comprendre l’émergence de certains phénomènes non linéaires et leurs répercussions systémiques. Ainsi, toutes les données collectées par le centre seront organisées dans une base libre d’accès. «L’objectif est de corréler ces informations entre elles, indique Nicolas Levrat. Si on répertoriait par exemple toutes les réunions publiques auxquelles ont participé les négociateurs et négociatrices venu-es à Genève ces vingt dernières années, on pourrait peut-être constater que certains réseaux de relations sont devenus plus importants que les États eux-mêmes. À Genève, par exemple, quelques fondations pèsent financièrement autant que beaucoup d’États.»

Le lancement du Center UNIGE/EPFZ for Science in Diplomacy se concrétisera ces prochaines semaines avec l’ouverture de trois chaires professorales, dont deux à l’UNIGE. L'une sera dédiée aux problèmes de la catégorisation des données en lien avec les théories des études globales et de la complexité, l'autre portera sur la science des données avec une spécialisation dans le machine learning et le traitement de données textuelles.

Le centre vise également à fournir de nouveaux outils aux diplomates et autres acteurs et actrices de la vie internationale. «Nos travaux permettront de mettre en évidence les mécanismes de négociation et de développer des outils pour les simulations afin que ces dernières soient accessibles à toutes et tous et pas uniquement aux grandes puissances, qui se sont déjà dotées de structures dédiées à la diplomatie scientifique», relève Nicolas Levrat. Outre les travaux de recherche menés au sein du centre, des formations spécialisées seront proposées, destinées notamment aux jeunes diplomates en poste à Genève. Tant pour Nicolas Levrat que pour Jérôme Lacour, le projet permet de développer un partenariat très prometteur entre le GSI et la Faculté des sciences. «Le discours scientifique a très souvent de la peine à impacter les choix politiques, ce qu’on voit bien avec les enjeux liés aux changements climatiques, termine Nicolas Levrat. De telles structures interdisciplinaires sont aujourd’hui nécessaires pour faire converger des visions du monde qui peuvent être très éloignées les unes des autres.»

 

Vie de l'UNIGE